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Lettre ouverte pour le courage d'espérer

Ecrit par Carole A. MacNeil, PhD

Traduit de l’anglais par Marie-Jo Pillon et Yves Pillon

En temps dit «normal», je travaille en partenariat avec des jeunes et des communautés d'Afrique et du Moyen-Orient dans le cadre d'initiatives de développement communautaire et de consolidation de la paix, dans des lieux où la vie peut être particulièrement difficile : camps de réfugiés, zones touchées par des conflits ou quartiers défavorisés. Au milieu de la pauvreté, de la violence, de la maladie, de la marginalisation et d'innombrables autres adversités, il y a encore de l'espoir chez ces jeunes. Cela me motive quand je découvre cet espoir et me rend humble quand je peux jouer un petit rôle en libérant son pouvoir en partenariat avec une communauté.

 

Comme pour tant d'autres, mon travail (et mon domaine de développement international) a changé de façon spectaculaire ces derniers mois. Le réaménagement de mon espace et de mon temps suscité par le Covid-19 a créé une occasion de réfléchir à ce que les jeunes et leurs communautés m'ont appris sur l'espoir, à un moment où mes concitoyens et moi-même avons désespérément besoin d'en trouver davantage.

  • J'ai appris ce qu'est l'espoir grâce à un groupe de jeunes leaders des quartiers défavorisés de Nairobi (ou "bidonvilles" comme les appellent les habitants) qui ont créé une organisation pour débarrasser leur quartier des ordures, car ils espéraient pouvoir grandir dans un endroit plus sûr et plus propre.

  • J'ai appris ce qu'est l'espoir grâce à un groupe d'adolescentes syriennes, réinstallées comme réfugiées en Turquie, qui avaient échappé à une guerre civile brutale et presque tout perdu, mais qui ont choisi l'espoir en apprenant à naviguer dans une nouvelle vie au sein d'une nouvelle communauté parfois peu accueillante.

  • J'ai appris ce qu'est l'espoir grâce à des jeunes réfugiés à la frontière entre le Kenya et la Somalie, qui ont lancé des projets de justice sociale dans leurs camps de réfugiés parce qu'ils espéraient une communauté plus forte, plus sûre et plus unie, même s'ils vivaient une existence transitoire et ambiguë.

J’ai compris une chose à propos de l’espoir : plus la vie devient difficile, plus l'espoir l'est aussi. Plus notre compréhension de la complexité des problèmes auxquels nous sommes confrontés augmente, plus la pression pour abandonner l'espoir augmente. Lorsque les exigences de l'espoir deviennent trop fatigantes - qu'il s'agisse de porter un masque ou de reporter nos activités sociales dans l'espoir de sauver des vies, ou qu'il s'agisse de se lever et de s'exprimer pacifiquement mais fermement dans l'espoir de réaffirmer la dignité de toutes les vies - il est trop facile de laisser l'espoir nous filer entre les doigts. La pression exercée pour remplacer l'espoir par quelque chose de plus destructeur peut être écrasante. Ceux qui sont remplis d'espoir sont souvent qualifiés de "naïfs" ou d'"irréalistes", comme s'ils n'avaient aucune prise sur la réalité. D'une certaine manière, notre monde fatigué confond le cynisme avec la sophistication, le pessimisme avec la prudence. Mais l'espoir n'est pas du tout naïf, ou faible, ou peu sophistiqué. Au contraire, en fait : l'espoir est fort, parfois compliqué, et toujours courageux.

 

L'espoir est une discipline. Comme toute autre discipline - l'exercice physique ou l'alimentation saine, par exemple, on ne l’atteint pas d’un seul coup. C’est un muscle que nous construisons en le renforçant peu à peu. Nous l’entretenons en le nourrissant. Nous l’exerçons. Nous travaillons pour qu'il reste vivant et fort, et pour que nos cœurs soient suffisamment forts pour lui donner un véritable foyer. L'espoir exige de la force puisée quelque part au fond de nos âmes.

 

L'espoir demande aussi du courage. Il peut nous mettre à rude épreuve. Lorsque l'espoir a été écrasé, il faut du courage pour le convoquer à nouveau, pour persévérer et pour résister à la descente aux enfers du cynisme, voire du désespoir. L'espoir peut être si facilement érodé par ceux qui tentent de nous convaincre que le cynisme est plus rationnel, ces opposants qui font obstacle au travail de l'espoir. Mais le cynisme n'est qu'une alternative bon marché et facile lorsque l'on ne trouve pas la force, le courage et la créativité nécessaires pour faire face aux immenses défis qui nous attendent. Le cynisme est un masque pour le désespoir, un manteau à la mode pour faire paraître notre désespoir plus chic et plus sophistiqué. C'est un remède de charlatan, mais plutôt que de promettre un remède à ce qui nous afflige, le cynisme promet seulement de nous soulager de notre responsabilité humaine de rendre le monde meilleur, ce que nous sommes appelés à faire, de quelque manière que ce soit, grande ou petite.

 

L'espoir, en revanche, nous impose des exigences. Si l'optimisme peut nous aider à voir le "bon côté" d'une situation désagréable, l'espoir nous demande de lutter contre les ténèbres des temps difficiles, les yeux grands ouverts, la vision claire et nette, et le regard fixé sur une alternative plus lumineuse. L'espoir insiste sur le fait que nous devons tenir bon pour une meilleure version de notre monde, une meilleure version de chacun et surtout, une meilleure version de nous-mêmes. L'espoir exige ensuite que nous persévérions pour que cette vision devienne réalité. Je ne peux pas rester assis à attendre, en espérant simplement que les droits de l'homme et les droits civils seront respectés, que la justice sociale prévaudra ou qu'une pandémie et toutes les crises qui y sont associées disparaîtront "miraculeusement". Ce n'est pas une réponse sincère ou courageuse à l'appel de l'espoir. L'espoir n'est pas une voie de sortie, mais une voie d’entrée. Ce peut être une voie vers l'action ; ce peut être une voie vers une nouvelle compréhension et une nouvelle détermination ; ce peut être une voie vers une manière différente d'aimer et de prendre soin des autres. Le véritable espoir alimente l'action et l'action, inspirée par l'espoir, alimente à son tour, encore plus d'espoir dans un cycle vertueux que l'âme de notre société réclame avec une urgence croissante. L'espoir peut nous permettre de rester humains face à des politiques, des pratiques et des systèmes inhumains. L'espoir peut nous aider à trouver notre chemin face à des dirigeants qui ont perdu le leur.

 

Et si l'espoir est très exigeant pour nous, il n'est pas déraisonnable ; il nous aide beaucoup en cours de route. L'espoir nous donne des moments de grâce, dans lesquels nous voyons des signes que nos raisons d'espérer ne sont pas vaines. Il nous donne des moments de facilité, dans lesquels nous sentons que le travail n'est peut-être pas si impossible après tout. Et il nous donne des moments d'amour, grâce auxquels nous savons que ce travail d'espoir est soutenu par d'autres qui espèrent à nos côtés. Quand le policier s'agenouille avec les manifestants, quand les membres de la communauté trouvent le courage de parler et d'entendre des vérités difficiles, quand nous concentrons notre attention et notre énergie sur ce qui se passe après la marche pour commencer à réparer les torts qui se sont produits bien avant la marche... Ce sont des moments où nous voyons le travail d'espoir se faire.

 

Ce travail d'espoir est terriblement, merveilleusement important - aujourd'hui plus que jamais - pour nous en tant qu'individus et pour nous en tant que collectivité. Que deviendrons-nous si nous n'osons pas l'espérer ? Où aboutirons-nous si nous n'osons pas espérer une destination qui vaille la peine de notre espérance ? Et comment pourrons-nous faire notre chemin si nous n'osons pas nous efforcer de faire un voyage rempli d'espoir ensemble, qui maintienne fermement cette destination digne d'intérêt comme but ? L'heure est à l'espoir. Plus que cela, c'est le moment d'un espoir indéfectible, sans conteste et inébranlable. Notre promesse non tenue d'une démocratie florissante, pacifique et juste en a besoin à grands cris ; nos âmes de citoyens pourraient bien en dépendre.

© 2020 by MacNeil and Associates Consulting

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